La confiance en soi : un moteur à combustion interne
Témoignage : Jean-Paul dirige une équipe de 12 collaborateurs dans une grande compagnie d’assurance au sein du Pôle gestion des sinistres. La compagnie s’est engagée dans une profonde réorganisation du travail depuis plusieurs mois qui impacte autant les collaborateurs dans leurs activités métiers que leurs responsables dans le pilotage des activités, le choix d’organisation pour l’optimisation du fonctionnement de l’équipe, et dans le management de leurs co-équipiers. Cette réorganisation entraîne l’émergence de nouvelles modalités de travail proposées aux salariés. Les managers du groupe encadrent ainsi à distance des équipes de plus en plus éclatées géographiquement.
Jean-Paul, qui manage pourtant des équipes depuis 18 ans, a du mal à gérer cette nouvelle organisation. Il côtoie dans son environnement de travail des managers plus jeunes que lui, récemment recrutés et formés, plus réceptifs aux innovations organisationnelles et techniques. Il ne se retrouve plus dans son métier et peine à se motiver pour participer aux projets développés par la direction générale. Il ressasse l’idée qu’il est moins performant que la nouvelle génération de managers. Mais il n’ose pas à en parler ouvertement à son manager dans le cadre de son prochain entretien de suivi d’activités.
Finalement, au cours de cet entretien, il décide de se lâcher et évoque sa problématique avec son responsable, qui l’accueille d’autant plus positivement qu’il avait bien remarqué qu’il y avait quelque chose de complexe à gérer pour Jean-Paul. Ensemble ils recherchent une solution qu’ils trouvent : Jean-Paul est depuis 3 mois engagé dans un coaching en groupe, une pratique innovante d’accompagnement managérial ! Il est satisfait de cet accompagnement qu’il partage avec 3 autres managers du groupe et qui lui permet d’aborder son management dans ce contexte de changement global et de progresser dans l’affirmation de son positionnement managérial.
Dans cet exemple, qu’est ce qui s’est passé pour Jean-Paul ? Il voulait que sa situation change, mais il n’osait pas engager quelque chose dans ce sens (en parler à son responsable, échanger avec ses pairs, demander un soutien managérial,...). Cette difficulté à agir traduit la présence d’un sentiment d’impuissance par rapport à une situation vécue difficilement. Ce sentiment de ne pas "être capable de faire" correspond à une confiance en soi affaiblie.
La confiance en soi se réfère au sentiment que l’on peut éprouver par rapport à sa capacité d’agir face à une situation à gérer. La confiance en soi traduit notre sentiment de compétence et se réfère à l’expérience de nos émotions et leurs impacts sur notre capacité à aller dans le sens de nos intentions.
Ainsi, une difficulté à agir traduit l’éprouvé d’un doute de soi (= doute sur sa capacité à agir : "Je ne me sens pas capable d’en parler à mon responsable").
Confiance en soi et doute de soi fonctionnent comme des vases communicants : quand le doute de soi prend de l’importance, la confiance en soi s’affaiblit, et la difficulté à agir s’installe.
Comme un moteur à combustion interne, la confiance en soi a besoin de carburant pour fonctionner. Ce carburant, c’est l’estime de soi. Notre estime de soi reflète le jugement que nous portons sur notre propre valeur. Une évaluation négative sur soi traduit une défaillance d’estime de soi dans la situation ("Je suis nul de ne pas avoir osé m’exprimer en réunion").
La puissance que ce moteur est capable de fournir correspond à l’affirmation de soi. S’affirmer dans une situation consiste à oser prendre position dans la situation en prenant à la fois en compte ses propres besoins ainsi que ceux de l’environnement, des personnes qui s’y trouvent. S’affirmer consiste à prendre pleinement sa place dans la situation.
Estime de soi, confiance en soi et affirmation de soi sont des données situationnelles qui sont reliées aux expériences vécues.
Comme une chaîne de montagne....
La confiance en soi est comparable au cœur d’une chaîne de montagne : elle s’appuie sur sa racine profonde, l’estime de soi, pour s’élever pleinement.
L’exploration de la métaphore de la chaîne de montagne va nous permettre de comprendre les liens qu’il existe entre affirmation de soi, confiance en soi et estime de soi, ainsi que la dynamique qui les anime.
Petite leçon de choses : Savez-vous comment est structurée une chaîne de montagne en profondeur ?
Les géophysiciens et tectoniciens, spécialisés dans les déformations de l’écorce terrestre ont démontré qu’une chaîne de montagne possède une racine d’autant plus importante que la montagne a un relief élevé (l’Himalaya, par exemple, a une racine plus importante que les Alpes franco-italiennes. A l’inverse, le Massif central ou le Massif armoricain ont des racines assez réduites du fait de leur érosion actuelle).
Rapportée à la personne, l’image de la chaîne de montagne va nous servir à illustrer les liens qu’il existe entre affirmation de soi, confiance en soi et estime de soi, ainsi que la dynamique qui les anime.
La partie aérienne de la chaîne, son relief visible, correspond à la dimension "Affirmation de soi". S’affirmer dans une situation, c’est "rendre visible" ses choix et son positionnement à travers des comportements observables des autres. L’affirmation de soi dans une situation se traduit par des expressions et des attitudes. Par exemples : j’exprime une objection, il clarifie ses besoins face à une incompréhension de son interlocuteur, tu exprimes authentiquement tes sentiments, ...
Revenons à notre chaîne : plus en profondeur, sous le relief, les roches sont fortement déformées et fracturées. Les terrains sont ainsi soumis à de très fortes tensions qui les amènent à s’ajuster entre eux : c’est le rôle joué par les séismes qui traduisent une réorganisation des masses et des volumes.
Cette zone médiane de la chaîne correspond à la dimension "Confiance en soi", plus profonde et qui peut, comme dans la chaîne de montagne, être aussi ébranlée suite aux contraintes externes (reliées à l’environnement) et internes (intrapsychiques, propres à la personne).
Côté chaîne, encore plus en profondeur, il y a sa racine. Son existence résulte du principe d’équilibre des densités (= équilibre dit isostatique) : la chaîne de montagne créé une racine proportionnelle à son poids et qui s’enfonce dans le manteau terrestre, comme la partie immergée d’un iceberg qui s’enfonce dans l’eau pour maintenir son équilibre. La racine est aussi une zone de déformation des terrains, mais les pressions et les températures sont telles, que ces déformations sont plus souples, plus continues, moins cassantes.
Dans notre analogie, la racine de la chaîne correspond à "l’Estime de soi", cette partie profonde et intime qui assure notre équilibre émotionnel, comme la racine crustale d’une chaîne qui maintient l’équilibre de la montagne.
Si l’on s’intéresse maintenant à la dynamique de la chaîne et à son évolution dans le temps. Une montagne se construit par superposition de terrains suite à des compressions latérales qui fait qu’elle s’élève en hauteur. Elle est en même temps soumise naturellement à l’érosion et elle perd du relief avec le temps. De ce fait, sa racine se réduit petit à petit en fonction des événements qui l’affectent. C’est le cas du Massif armoricain, veille chaîne de 300 millions d’années, aujourd’hui en grande partie érodée et dont la racine est tellement réduite qu’elle affleure en surface.
Continuons à exploiter notre métaphore. Les montagnes se forment par une accumulation de terrains qui se superposent pour former des reliefs parfois impressionnants. De même, les expériences qu’une personne vit dans son histoire se succèdent, l’enrichissent et la font grandir, comme les terrains qui constituent le relief d’une montagne. En même temps que ces expériences élèvent la personne, elles lui permettent de consolider sa base, sa racine. Vivre des expériences favorise un ancrage et un enracinement, d’autant plus que ces expériences sont valorisantes.
Parallèlement, des expériences vécues plus difficilement peuvent affecter notre confiance en soi et par ricochet notre estime de soi, d’autant plus si plusieurs expériences vécues négativement vont se succéder ou se reproduire (par exemples des évaluations négatives, ou des humiliations répétées). A l’inverse une expérience valorisante va renforcer notre confiance en nous et alimenter notre estime de soi, notre carburant pour alimenter notre confiance en soi.
Comment préserver, voire reconstituer son estime de soi ?
Comme nous l’avons vu (et surtout vécu !) notre estime de soi peut être contrainte et affectée par des expériences vécues négativement. Reconstituer notre estime de soi nécessite d’oser s’engager dans une nouvelle relation avec soi-même, de porter son attention sur les liens que nous entretenons avec notre environnement, et surtout avec nous-mêmes.
Les problématiques de confiance et d’estime de soi sont bien des problématiques de lien. Leur restauration consiste essentiellement à recréer la qualité de ces liens. C’est pourquoi nous trouverons parmi les pistes de restauration des leviers relatifs à la communication.
Voici quelques pistes pour améliorer son estime de soi :
- Prendre en compte mes expériences de vie comme une réalité vécue ("ça m’est bien arrivé") et non comme une fatalité ("de toute façon c’est toujours comme ça", "je n’y arriverai pas, comme d’habitude").
- Arrêter les jugements négatifs sur moi ... et commencer à me donner de l’empathie (= auto-empathie). (Re)lire pour cela le texte de Virginia Satir "Ma déclaration d’estime de moi".
- Se relier à mes émotions quand elles arrivent et les accueillir comme une partie intime de soi. Nous sommes bien les créateurs de nos émotions : "si je suis triste, c’est que cette tristesse fait partie de moi en ce moment".
- Apprendre à reconnaître mes choix comme étant les meilleures décisions que j’ai pu prendre dans le moment : nous avons tendance à focaliser sur les conséquences de nos choix, en oubliant que les décisions que nous prenons en situation sont sans doute ce que nous avons trouvé de mieux à faire à ce moment précis, dans un contexte donné.
- Se persuader que les objections qui me sont faites ne concernent pas la personne que je suis mais mes comportements, mes actions, mes choix, ... : je ne suis pas ce que je fais !
- Adopter une communication consciente, bienveillante et responsable en m’appuyant sur les principes de la Communication Non Violente proposée par M. Rosenberg.
- Se relier à des courants de pensée et à des personnes qui sont animés par une réelle dynamique de vie et qui me font du bien.
- Considérer les "erreurs" que j’ai pu faire comme des étapes d’apprentissage et des opportunités de développement.
- S’entraîner à des pratiques corporelles qui favorisent le développement de la pleine conscience : respiration consciente, méditation, Qi Gong, Tai Chi Chuan, marche consciente, ...
Et vous, quelle est la prochaine action que vous choisissez de faire pour reconsolider votre estime de vous ?... et peut-être aussi vers l’autre pour l’aider à reprendre confiance en lui ?